mardi 10 janvier 2012

...Te parler intimidation, part 2

J'ai 57 ans.

Ya 50 ans j'étais en deuxième année, y avait un ptit gars, j'me souviens de son nom, Bigras, j'ai oublié son prénom, anyways, je sais pas pourquoi, je l'aimais pas, pour aucune raison,  pour aucune raison valable en tout cas, ça c'est sûr.

C'est loin, la mémoire me flanche, bref me souviens pus les détails, ni les raisons probablement futiles.

Toujours est-il que je lui ai sâcré un coup de poing au visage.

Y braillait, y saignait.

Aussitôt j'ai réalisé que ce ptit gars était sans défenses, que crisser un coup de poing à quelqu'un c'est pas comme a tivi, c'est pas comme Simon Templar ou Lemmy Caution qui terasse un criminel international, t'as pas ce regard triomphant, confiant.

Non criss non, j'me sentait comme une merde, j'pense que je l'aurait pris dans mes bras, pour le consoler, j'aurait voulu lui dire, on oublie ça, j'ai pas fait ça, braille pus, s'te plait braille pus, y avait mal, y avait peur, y saignait, ostie que j'aurais voulu rewinder et effacer c'te scène là de ma jeune existence.

Et en fait de torture ce n'était que le début.

L'Évènement s'était produit en dehors des limites de l'école et après les heures de classe.
Néanmoins.
Les parents de Bigras ont communiqués avec l'école.

Mademoiselle Létourneau, la maitresse de 2ème année m'avisa que je devais aller au bureau de la directrice après l'école à 4 heures.

Donc à l'heure dite, je filai directement à la maison.

Du côté maternel, a ma surprise, aucune réaction.

Je me croyais bien malin.

Le lendemain la maitresse m'avisa calmement que nous irions ensemble voir la dirlo.

La directrice avait 2 écoles sous sa responsabilité, et son bureau se situait dans l'autre batiment, à quoi, 200 pieds, donc 4 Heures sonne, Mademoiselle Létourneau me prend par la main et on part, quelques pas, je secoue vigoureusement la main, me libère et détale, direction maison.

Rendu là, encore une fois, la mére est bin calme.

Je crois bien que je vais m'en tirer, deux rendez-vous avortés grace à mon audace et à mon génie.

Lendemain matin, Mademoiselle Létourneau nous acceuille tous avec sa bienveillance habituelle, ne m'accordant aucune attention particulière.

Depuis les trois ou quatre dernier jours, j'avais un énorme noeud dans l'estomac, inexplicable pour un gamin de 7 ans, à cet age là la culpabilité, connait pas.

La maison était à 5 minutes de l'école, donc je dînais chez moi, en entrant inévitablement j'entendais le thème des "Joyeux troubadours".

Ce midi là, changement de programme.

À la porte de l'école, la mére qui m'attendait,,,,
Ça craint, ça va craindre, ça va craindre solide,,,
Son air le plus sérieux, le plus sévère, elle m'agrippe par la main.
De cette poigne, je ne m'échapperai pas.

L'estomac, le noeud, devenu une crampe, la peur, ou plutôt la chienne, la grosse chienne,,,,

On attendait la maitresse, putain que le temps est long dans ce temps là.
Elle arriva enfin, et en silence on se dirigea chez la directrice.

Arrivés au bureau, j'ai le gout d'écrire bourreau, un comité attendait le fugitif que je croyais être.
La directrice, une nonne à lunettes, vieille, oublie pas, quand t'as 7 ans, tout le monde est vieux, Monsieur et madame Bigras, fiston Bigras, qui n'ose me toiser, ma mère, la maitresse.

Il a été entendu que mes parent devaient payer le nettoyage du veston maculé de sang que portait le gamin.

À la maison, mise à part la méga claque sur une oreille qui résonne encore dans ma tête, j'ai reçu une punition de type privation, honnêtement j'me souviens pus de quoi, dessert ? télé ? hockey ? probablement hockey, j'aimais tellement le hockey.

J'ai du aussi m'excuser devant toute la classe auprès de Bigras, lui demander pardon, lui tendre la main, que j'espérait tellement fort qu'il accepte, ce qu'il fit, à mon grand soulagement.

De cette histoire banale de gamins, comme il s'en vit des milliers quotidiennement, j'ai oublié beaucoup de détails, mais j'ai retenu, même après cinquante ans une chose essentielle.

Quand un ti-cul de 7 ans, en 1961 s'est retrouvé victime d'un gros con, il a pu compter sur ses parents, sur son école, sur les parents du gros con, bref sur sa communauté, pour le soutenir, le protéger, l'encadrer.

Du même coup, on a peut-être extirpé un peu de connerie d'un gros con.

Comme dit le proverbe affricain;

Ça prend tout un village pour élever un enfant

Yuan

P.S. pour ce qui est de ma carrière pugilistique, j'ai commis une seule récidive en 50 ans.

Ma fiche ?  0 victoires   2 défaites     (un nul, moi)









J'te raconterai ma deuxième défaite si, un jour, y me pogne une grosse envie de faire rire de moi.



2 commentaires:

  1. Ton histoire, je l'ai adorée! La façon que tu as raconté, je voyais les images dans ma tête.

    La morale est excellente. Nice!

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